Interview papier Vic « j’en ai marre ».
Nous avons demandé
à Vic, la protégée de SS, de quoi elle en a
marre.
- Vous en avez pas
marre qu’on dise que vous avez réussi grâce à
votre amie SS ?
- Non, parce que
c’est vrai. Enfin, pour être précis, c’est
grâce à elle que j’ai joué dans un film et
indirectement fait de la musique, puisque j’ai participé
à la bande originale du film. Quant à savoir si j’ai
réussi, c’est encore trop tôt pour l’affirmer.
- Vous en avez pas
marre de peindre ?
- Jamais. Peindre,
c’est ma vie. Mais je commence à envisager autre chose,
comme filmer. C’est assez vague comme projet, j’ai juste
l’impression, pour avoir discuté avec des metteurs en
scène, que nous avons le même regard… sur les
êtres, enfin, eux ils ont des acteurs à faire jouer,
moi ce sont les êtres humains… Je sais bien que le
metteur en scène s’attaque à un personnage pour
le faire vivre et moi je cherche la vérité, mais…
Enfin, bon, tout ce que je dis a l’air incompréhensible,
non, pardon, c’est incompréhensible ! En tout
cas, pour essayer de résumer, d’un point de vue
technique, c’est l’œil qui dirige mon travail et
je crois que pour un metteur en scène, c’est pareil.
Bon, bien sûr, lui il doit gérer le mouvement, la
narration et c’est ça aussi qui m’attire,
introduire le mouvement dans l’image statique d’un
tableau…STOP ! Question suivante, s’il vous
plait !
- Vous n’en
avez pas marre de vivre ?
- Non, j’en ai
juste marre de savoir que je vais mourir.
- Vous en avez pas
marre de faire de la promo ?
- Si. J’ai
l’impression d’être une pute sauf qu’une
pute, elle tombe parfois sur un client qui lui fait prendre son
pied. Moi, ça ne m’est pas encore arrivé. Tout
ça, ça devient vite mécanique, vous répétez
la même chose des dizaines de fois et quand vous essayez
d’être originale, on vous dit tout de suite :
« mais ce n’est pas ce que vous aviez dit à
machin ! ». Ca, j’en ai vraiment marre !
- Vous en avez pas
marre qu’on vous reconnaisse dans la rue ?
- Si. Mais ça
n’arrive pas souvent. Je ne suis pas encore très
connue. C’est vrai que la perte de l’anonymat est une
sacrée perte de liberté.
- Vous l’avez
choisi, non ?
- Mmmm… Il y
a quelques jours, je suis allée voir un ami qui est,…
était, séropositif, en phase terminale. On parlait … Il
m’a dit : « tu sais, ce qui me fait le plus
mal, ce n’est pas de mourir, je me suis fait à l’idée.
Ce qui me fait le plus mal, c’est que, quand je serai mort,
personne ne se souviendra de moi . » J’ai essayé
de le consoler : « Et ta famille ? » .
« Tu la vois ici, ma famille ? ». « Et
tes amis ? ». « Ils sont tous
séropositifs, ils vont tous disparaître »…
Voilà, c’est pour ça que j’ai décidé
de sortir de l’anonymat, pour ceux qui sont restés
anonymes et pour ne pas disparaître à mon tour.
… Silence
...
- Vous en
avez pas marre d’avoir des amis partout ?
- Non. Je trouve ça
sympa de savoir que quelqu’un m’attende où que
j’aille, ça me rassure. Mais mes amis ne se connaissent
pas forcément entre eux. Parce que je suis plutôt
exclusive et je suis différente avec chacun d’eux. Je
crois que je n’aime pas mélanger mes amis, j’ai
peur qu’ils construisent une relation qui m’exclurait.
- Vous en avez pas
marre de votre famille ?
- Ca dépend
des jours.
- Vous en avez pas
marre d’être ni américaine, ni italienne ?
- Non, ça
fait partie de moi. Ca me constitue.
- Vous en avez pas
marre de SS ?
- Non.
- Vous en avez pas
marre d’être toujours associée à elle ?
- Si.
- Vous en avez pas
marre de vous engueuler avec elle ?
- Parfois.
- Vous en avez pas
marre de répondre par oui ou par non ?
- Changez vos
questions, je changerai mes réponses.
- Vous en avez pas
marre de provoquer, par jeu ?
- Non. Je ne le fais
pas toujours exprès. Bon, quelquefois, ça m’amuse.
Mais souvent la personne qui m’interroge m’énerve,
je ne peux pas m’en empêcher.
- Vous en avez pas
marre de moi ?
- Question
dangereuse. Ca va pour l’instant.
- Vous en avez pas
marre de mes questions ?
- Ca commence en
effet, mais vous prenez des risques et ça m’intéresse
de savoir jusqu’où vous irez.
- Vous en avez pas
marre d’être jeune et dynamique ?
- Ca passera avec
l’âge. Ca permet de dire et de faire certaines choses
qu’on me pardonne. C’est très fatiguant parfois,
vous avez l’impression de n’être là que
pour faire exploser la marmite, pour faire avancer les choses. Ca
épuise. Ceci dit, je ne m’imagine pas en vieille dame
ni en grand’mère. Mais j’ai deux bons exemples de
vieilles dames : mes grands mères. Elles, elles sont
jeunes et dynamiques, chacune à leur façon. Ma
grand’mère italienne, pardon sicilienne, a des côtés
« grosse mamma italienne » : elle est
possessive, jalouse de ses belles-filles, marieuse…Mais elle
possède une sensibilité aux gens, c’est simple,
quand j’ai un secret, je l’évite parce qu’elle
finit toujours par le deviner ou elle me manipule pour que je lui
avoue tout. Ma grand’mère irlandaise, c’est
différent, elle est plus secrète, beaucoup moins
expansive mais extrêmement fidèle et avec autant
d’amour à donner. Ce sont de bons modèles.
- Vous en avez pas
marre de cette image de naïve, innocente ?
- Les gens qui
disent ça ne me connaissent pas.
- Vous en avez pas
marre de vous cacher derrière cette attitude de gamine
effrontée ?
- Qui vous parle
d’image ? Peut-être que je suis comme ça.
Peut-être que je me protège derrière cette
attitude. Je trouve que l’insolence me va bien et ça
tient à distance la plupart des emmerdeurs et des
piques-assiettes. Ceux qui me connaissent s’en contrefoutent
de cette image.
- De quoi vous avez
vraiment marre ?
- Des gens qui ne
sont pas capables d’avouer leurs sentiments, ils finissent par
être malheureux et par faire du mal aux autres. Sinon j’en
ai marre de l’hypocrisie générale, du SIDA, de
la misère… Mais en fait, je vais vous avouer un truc
qui me fait chier. Il faut que ça change, c’est trop
insupportable ! Je ne l’ai dit à personne, mais ce
qui m’agace vraiment, c’est le sens giratoire de la
terre !! Pourquoi le soleil se lève toujours à
l’ouest et pourquoi pas à l’est une fois sur
deux ? Hein ? Ce serait sympa , non ?