Emission très
regardée, public jeune, fin de soirée.
Vic et présentateur
à une table triangulaire avec un côté libre,
chaise vide, pour accueillir un invité.
P (présentateur)
s'adresse à la caméra :
- Bonsoir, nous sommes ce
soir avec Vic, plus connue comme peintre mais qui sait ne pas s'en
contenter.
Se tourne vers Vic.
- Enfin, j'ai réussi
à vous convaincre de venir ! Cela fait un certain temps que
j'avais envie de vous rencontrer, de parler avec vous, de vous.
Vic : - Oui, enfin,
l'émission vient de commencer, vous avez encore le temps de le
regretter.
P : - Cela n'arrivera pas,
j'en suis sûr.
V : - Je peux décider
de partir avant la fin.
P : - Impossible, toutes
les issues sont bloquées.
Sourire de Vic.
P : - J'aimerai bien
savoir pourquoi vous avez enfin accepté de venir.
V : - Vous l'avez dit
vous-même : votre force de persuasion a vaincu mes dernières
résistances.
Moue dubitative du
présentateur.
P : - J'ai du mal à
vous croire.
V : - Vous voulez vraiment
savoir alors ?
Signe affirmatif du
présentateur.
V : - Bien. Il y a
plusieurs raisons : je n'avais rien à faire d'autre ce soir.
Je suis en forme. Ca, ce sont les raisons qui n'ont rien à
voir avec vous ou votre émission. (sourire de Vic)
P: - Merci de l'avoir
quand même choisie !
V : - De rien. Je
continue, j'ai choisi votre émission parce qu'elle répond
à mes préférences.
P : - Vos exigences !!
V : - Oui, j'avoue je suis
maniaque à certains points de vue. Je préfère le
direct. Ca évite les montages, les dramatisations factices, la
fabrication d'un espèce de show inexistant.
Vic compte sur ses doigts.
V : - Une émission
assez longue qui laisse le temps d'aborder plusieurs sujets, de les
développer. Ensuite, une émission où on ne parle
que de moi, (sourire et clin d'oeil ) c'est mon côté
narcissique.
P : -Vous oubliez qu'il y
a un ou une invité(e) !
V : - Oui mais cette
personne est là pour parler de moi.
P : - C'est vrai.
V : - Et puis, et surtout,
il y a vous en tant qu'être humain avec votre personnalité.
P : - Merci pour cette
confiance.
Il ramasse ses papiers.
P : - Je crois que nous
pouvons partir sur ces bases-là. Vous m'avez dit que vous
n'étiez pas là pour vendre quelque chose, ni faire de la
promo. Ca tombe bien, parce que moi, j'ai juste envie de parler de
vous et de votre oeuvre, vos peintures, bien sûr.
V : - D'accord, allons-y.
P : - Est-ce que vous
peignez beaucoup ?
V : - Oui, pas mal, je ne
sais pas combien de tableaux en tout, et puis il y a aussi des
dessins, et encore, je ne parle que de ce que j'estime valable, pas
de tout ce que je détruis... En fait, je ne compte pas, je
m'intéresse au résultat, même si je dois faire 3
000 croquis, je considère que ce qui est important, c'est le
tableau final. La qualité plutôt que la quantité,
pour être claire.
P : - Bien sûr, je
pensais aux tableaux connus, que vous avez montrés dans des
expositions... De plus, vous avez commencé jeune. Et vous avez
été connue tôt, n'est-ce pas ?
V : - Oui. (sourire de
Vic) Vous avez bien préparé votre émission, vous
avez lu la préface du catalogue, bravo.
P : - Et oui, je suis
quelqu'un de sérieux. C'est dans ce catalogue que j'ai puisé
mes informations. ( Il montre un grand livre noir avec, gravées
en diagonale, les lettres dorées V-I-C) .
V : - Faites voir. (Il lui
passe le livre, elle l'ouvre.) J'en étais sûre, vous l'avez
fermé avant que ça sèche, regardez, tout a bavé
sur l'autre page, le dessin est fichu !
Elle montre le livre
ouvert, la dédicace est en effet illisible.
P : - Oups, désolé.
V : - Tu parles. Je me
suis creusée le cerveau pour trouver un petit mot original et
voilà !!
P : - Mmm, original , vous
êtes sure ?
Sourire de Vic.
P : - Ce catalogue, donc,
regroupe les portraits de votre première expo, qui a eu lieu
l'an dernier, je crois ?
V : - Oui pour l'an
dernier, non pour première expo. J'en ai montées
d'autres, moins médiatisées mais connues des
spécialistes de la peinture.
P : - Ok. Pour cette
exposition, c'est normal que la télévision en ait parlé
: elle est entièrement consistuée de portraits
d'actrices et d'acteurs. Ca fait très people, non ? En plus
vous laissez croire qu'il y en a d'autres, impossibles à voir
...
V : - Il y en a dix en
tout dans l'exposition. En fait, comme c'est expliqué dans le
catalogue ...
P : - Oui, mais le public
ne l'a pas lu, ce catalogue !!
V : - Ok, ok. Bon, pour
reprendre mon explication, que j'aurai donnée de toutes
façons, l'idée de cette exposition vient de certains
“sujets”, c'est-à-dire mes clients, ceux qui sont
sur les tableaux, qui payent pour avoir leur portrait, donc ces
sujets, quelques-uns, pas tous, voulaient voir les autres tableaux.
Alors j'ai fait le tour de tous ceux que j'ai peints, et je leur en
ai parlé. Certains m'ont prêtés leur tableau, d'autres, non.
Bon, aprés, mon agent a décidé que ce serait pas
plus mal d'ouvrir l'expo au public et de vendre un catalogue pour
rentrer dans nos frais. Enfin, pour finir, entre ceux qui ont accepté
et les autres, on a réuni dix portraits pour l'exposition.
P : - J'aimerai bien
savoir qui a refusé et surtout pourquoi.
Regard insistant et moue
suppliante, sourire de Vic.
V : - C'est un secret.
P : - Dites-nous au moins
combien de portraits en tout...
Vic hausse les sourcils,
réfléchit.
V : - Pfff, trente,
peut-être plus. Enfin, pour être précise, j'ai
peint trente personnes. Mais des tableaux, des dessins, des croquis,
je ne sais pas exactement. J'en a refait certains même après
les avoir vendus.
P : - Vous travaillez
toujours sur commande ?
V : - Pour les portraits,
oui. C'est toujours le sujet qui vient me voir. Après je
refuse ou j'accepte.
P : - Inutile de vous
demander qui vous avez refusé ...
Sourire de Vic.
V : - Inutile, en effet.
P : - Vous avez dit que
vous en avez refait certains, pourquoi ? Lesquels ?
V : - Certains.
(re-sourire ) Je recommence parce que parfois notre relation a
changé, elle n'est plus ... commerciale.
P : - Serait-elle devenue
affective ?
V : - Allez, lâchez-vous,
assez de sous-entendus que le public ne saisit pas.
P : - Prenons, par
exemple, SS...
V : - Un exemple pris
totalement au hasard.
P : - Totalement au
hasard.
V : - Vous savez, il y a
d'autres raisons : je ne suis pas contente de ce que j'ai fait, j'ai
découvert une personne différente... ( geste de la
main)
P : - N'empêche, ces
portraits ont fait grimper votre côte. Vous savez que vous êtes
l'un des peintres la plus vendue et la plus chère ?
V : - Ce qui m'intéresse,
c'est de savoir si je me suis améliorée depuis. Je ne
peints pas pour être vendue.
P : - Et si un de vos
sujets vendait son portrait aux enchères, quelle serait votre réaction ?
V : - Je le prendrais trés
mal. Vraiment. Ce serait une sorte de trahison. Mais, bon je mettrais
en vente tous mes tableaux et comme ça les prix baisseraient
et mon ex-client perdrait de l'argent. J'ai prévu le coup, à
ma mort, je veux qu'on détruise toutes mes oeuvres invendues,
de sorte que les tableaux rescapés prendront tellement de
valeur que leurs proprios ne trouveront pas d'acheteurs.
P : - Sans blague ?
Sourire de Vic.
P : - Bon. Vous ne peignez
pas uniquement des portraits.
V : - Ce n'est que la
partie immergée de l'iceberg. Le reste est beaucoup moins
commercial et moins commercialisé !
P : - Mais vous savez
aussi vous vendre !! C'est bien vous qui avez peint l'affiche de
“Devil”, le dernier film de SS avec IA, non ?
V : - Pas exactement, mais
je vois trés bien où vous voulez en venir, je ne suis
pas dupe !!
Vic agite son doigt en
direction du présentateur.
P : - Parlez-nous donc de
cette affiche, qu'on va vous montrer à l'écran. ( deux
visages de femmes qui se fondent ensemble, dans le fond, une ombre
masculine. )
V : - A l'origine, c'était
un dessin pour SS. Elle m'avait invitée sur le tournage, je
l'ai remercié comme ça.
P : - SS est un de vos
sujets. Attendez, le ...( il cherche dans le catalogue. )
V : - Le quatrième.
P : - Oui, le voilà.
(gros plan sur le catalogue ouvert : une belle blonde accroupie )
V : - On voit rien comme
ça ...Je disais donc : SS a affiché mon dessin dans sa caravane.
Un type de la production l'a trouvé trés bien. Il l'a
pris pour la montrer à ses patrons qui ont accepté. Je
l'ai vendu trés cher et sans remord !!
P : - C'est vous qui avez
répandu les commentaires écrits au dos de l'affiche ?
V : - Pardon ?
P : - Il y avait quelques
mots écrits au dos de l'affiche, vos impressions, pas trés
sympathiques, sur le tournage. Tout le monde les a entendus, mais
personne ne sait qui a commencé à les répandre.
V : - Désolée,
je ne vois pas de quoi vous parlez. Honnêtement, vous croyez
que je suis capable de faire ça ?
Attitude outragée
de Vic.
P : - Oui.
Rient ensemble.
P : - Bon, vous avez assez
parlé. Maintenant, au tour de l'invité. Nous allons
accueillir, pour nous parler de ce tournage mouvementé,
surprise !!,... IA !!
V : - Magnifique
enchaînement !!
P : - Merci.
IA entre sur le plateau.
Vic se lève pour lui dire bonjour, elle lui tend la main mais IA se penche pour lui faire la bise. Moment d'hésitation,
elles se sourient et se font la bise. S'asseoient.
P : - Bonjour IA, et merci
d'être avec nous.
IA : - Le plaisir est pour
moi, vraiment, ce n'est pas une formule politesse. Passer du temps
avec Vic, c'est du plaisir.
V : - Même à
la télé ?
IA : - Oui.
IA fixe Vic.
Vic rougit, embarrassée,
se mord la lèvre, passe sa main dans les cheveux.
P : - Eh bien, mais
qu'est-ce qui vous arrive, Vic ?
IA sourit.
IA : - Je l'intimide.
P : - Ca, si j'avais su,
je vous aurais reçue dés le début de l'émission
!!
Vic ne dit rien, fixe la
table.
P : - Eh bien, Vic, on ne
vous entend plus.
Vic ne bouge pas, le
présentateur se tourne vers IA.
P : - Parlons de “Devil”
si vous voulez bien.
Signe positif de IA.
P : - C'est sur le
tournage de ce film que vous avez rencontré Vic ...
IA : - A vrai dire, nous
n'avons pas... Vic n'est restée que quelques jours, elle était
venue voir SS... Elle m'a juste demandé un autographe, je lui
ai donné avant qu'elle ne parte, j'avais écrit que
j'aimerai beaucoup la revoir pour la connaître vraiment.
Vic bouge, s'agite, IA se
tourne vers elle pour l'écouter .
V : - Maintenant, je peux
bien vous l'avouer, je suis venue sur le tournage pour vous
rencontrer.
IA : - Pourtant, tu es
restée constamment avec SS, tu as passé tout le week-end
avec elle. Et nous n'avons pratiquement pas parlé.
V : - Je n'aurais jamais
osé ! D'ailleurs, si vous n'aviez pas fait le premier pas, je
.... je serais restée dans mon coin à vous regarder.
IA : - Vraiment ? C'est
extraordinaire, tu n'avais pas l'air gêné avec SS, alors
que c'est une star internationale !!
Vic a un geste de la main
qui balaie la table.
V : - Ca n'a rien à voir avec la
célébrité. En tant que personne SS est beaucoup
plus abordable que vous. Vous ..., Votre visage... (Vic lève
la main, semble dessiner le visage de IA dans l'espace, elle la
ramène devant sa bouche.) Vous êtes tellement ...
unique.
P: - Hé bien, je me
demande ce qu'en pense SS.
V : - Elle sait tout ça,
je lui ai expliqué.
Silence.
IA s'adresse au
présentateur :
- Je crois que c'est ce
qu'il y a de plus fascinant avec Vic. Son charme... (IA sourit à
Vic.) Ce mélange de timidité et de franchise, et cette franchise peut aller très loin ... Vous
savez, Vic est bien la seule personne qui m'ait donné la
meilleure définition du mot aimer, même si cela ne
m'était pas destiné.
P : - C'est-à-dire
?
IA : - Aimer c'est offrir
et recevoir pas donner et prendre.
V ( tout bas) : - Je m'en
souviens. ( Plus fort) En effet, cela ne vous était pas
destiné.
P : - C'était à
quelle occasion ?
V : - Ma première
engueulade avec SS. Le deuxième jour de mon séjour sur
le tournage. Un vrai carnage !
IA : - Ca, tu peux le dire
!
P : - Expliquez-nous, que
s'est-il passé ?
IA : - Vic a réussi
en cinq minutes à éternuer pendant une prise, s'emmêler
les pieds dans les câbles et les débrancher, elle a aussi
organisé un chahut à la cantine avec les enfants qui
tournaient avec nous...
V : - Hé ! Vous
aussi, vous avez participé à la bataille de yaourts !!
IA : -
Allons, tout le monde sait que je ne mange jamais de yaourt.
Elles
éclatent de rire toutes les deux.
P : -
Je plains les responsables du tournage. A ce propos, IA, vous pouvez
peut-être nous dire ce qu'il y avait d'écrit sur cette
fameuse affiche.
IA : -
Bien sûr.
V : -
Avant de le faire, pour ma défense, il faudrait préciser
que, moi, tout ce que j'ai vu du tournage, c'est les deux épaules
du garde-chiourme qui était chargé de me surveiller.
IA : -
Après tout le bazar que tu as causé, c'est normal que
tu sois placée sous surveillance.
V : -
C'était la première fois que j'étais sur un
tournage et personne ne m'a averti de tous les dangers qui me
guettaient !!
P : -
Alors, ces commentaires ?
IA : -
Je les ai recopiés. (elle sort une feuille et la déplie.
Elle lit : ) “Piss off Devil !” Je ne traduis pas, tout
le monde a compris. ( Vic se cache le visage dans les mains.) Je
continue, en traduisant directement, “ et surtout le connard
qui sert de réverbère à tous les chiens de ce
trou à rats. Je ne parle pas du chef-lumière mais du
trou du cul payé par la production, comme si une maison de
production avait besoin d'un trou du cul pour faire de la merde !”
C'est tout.
V : -
Mon Dieu, quelle honte .
P : -
Waou ! Pas mal.
IA à
Vic : - C'est bien ce que tu as écrit, non ? Je n'ai rien
oublié ?
V : -
Oui.
Vic se
cache toujours le visage dans les mains.
P : -
Vous avez une manière bien à vous d'exprimer votre
avis, Vic.
V : -
Mmm. (Elle baisse ses mains et elle laisse voir ses yeux.) Je n'ai
fait qu'exprimer tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
P : -
Et l'employé de la production, qu'en pense-t-il ?
Vic et
IA se regardent.
V : -
Je ne crois pas qu'il soit au courant, SS a donné une copie de
l'affiche, elle a caché l'original.
IA : -
Je ne sais pas.
P : -
Donc, vous vous êtes rencontrées sur ce tournage. Est-ce
que vous vous êtes revues ensuite ?
Ensembles
: - Oui.
V : -
IA m'a demandé de faire son portrait. J'ai accepté.
P : -
Je croyais que vous ne faisiez plus de portrait.
V : -
C'était difficile de refuser.
IA
sourit.
P : -
C'est parfait. IA, vous allez pouvoir nous expliquer, dans les
détails, comment Vic travaille. Racontez-nous une séance
de pose avec elle.
IA : -
En fait, il n'y a pas de séances de pose à proprement
parler. Vic et moi nous avons passé quelques jours ensembles,
chez moi. Elle m'a posé quelques questions mais très
peu. Elle a passé son temps à dessiner sur son carnet
de croquis. Au début, j'étais gênée, je ne
savais pas quoi faire et puis, très vite, j'ai oublié
sa présence jusqu'au jour où elle m'a dit qu'elle
avait assez de matériau et qu'il fallait qu'elle retourne dans
son atelier pour commencer le tableau. Et pendant des semaines, je
n'ai plus eu de nouvelles. Et, un jour, elle m'a téléphoné.
Elle m'invitait dans son atelier pour voir le premier essai.
P : -
Vous avez vu le tableau alors ?
V : -
Non. (interrompt IA ) Pardon, vous alliez dire... ?
IA : -
Non, vas-y, à ton tour.
V : -
C'était une esquisse. Je n'avais même pas commencé
à choisir la toile. C'était juste pour voir la réaction
de IA, savoir ce qu'elle en pensait.
IA : -
C'était magnifique. Surtout quand tu m'as expliqué ton
intention, jamais personne ne m'avait parlé de mon visage de
cette façon, pas même les photographes. Quand je suis
rentrée, je me suis regardée dans une glace et j'ai
examiné mon reflet pour la première fois ! J'avais
l'impression d'avoir changé de figure !
Vic
baisse les yeux, parle sans regarder IA.
V : -
C'est tellement facile de peindre votre visage, il est tellement pur.
Il suffit à remplir l'espace de la toile.
IA
hoche affirmativement la tête.
IA : -
Mmmm.
P : -
Mais, Vic, pourquoi ne pas l'avoir montré à votre
exposition ?
V : -
Parce qu'il n'existait pas encore !
IA : -
C'est grâce à cette expo que j'ai découvert le
talent de Vic et c'est cela qui m'a poussé à lui
demander de peindre mon portrait.
Silence.
P : -
C'est étrange, depuis le début, vous, IA, vous tutoyez
Vic alors que Vic vous vouvoie...
IA : -
C'est à Vic de s'expliquer ! Moi, j'ai toujours insisté
pour qu'elle me tutoie.
V: -
Ce n'est pas... Il ne faut pas que vous preniez ça pour ... un
refus d'amitié, c'est une forme de respect !
IA : -
Tu tutoies SS.
V : -
Oui. Mais comme je le disais tout à l'heure, il n'y a pas la
même distance entre ... quelqu'un que l'on admire et ....
quelqu'un pour qui on a de l'affection, c'est une question de respect,
de familiarité.
IA : -
Donc, si j'ai bien compris, tu aimes SS et moi, tu m'admires. D'où
le vouvoiement.
V : -
Oui.
IA : -
Donc tu ne m'aimes pas.
V : -
Non, si, mais on ne parle pas de la même chose !
IA
rit, Vic se met à rire elle aussi.
V : -
Ce n'est pas le même sentiment mais c'est aussi fort.
IA : -
Ouais. De temps en temps, je préfèrerai que tu m'admires un
peu moins... Il va falloir que nous en reparlions.
P : -
C'est évident. Mais pas ici, en public.
IA : -
Certainement pas.
Vic
garde les yeux baissés.
P : -
Bien, IA, je vous remercie beaucoup d'être venue, c'était
vraiment un plaisir.
IA : -
Je suis contente d'avoir accepté. (se lève)
V : -
Merci, à bientôt.
IA
passe la main dans les cheveux de Vic en souriant.
IA : - A
bientôt.
Sort
sous les applaudissements.
P : -
Voilà qui nous fournit bien des renseignements en plus sur
vous.
V : -
Mmmm.
P : -
Je ne savais pas que vous connaissiez si bien SS.
V : -
Elle m'a proposé de venir sur ce tournage et nous avons fait
connaissance.
P : -
A propos de SS, j'ai entendu parler d'un projet de film, avec vous à
ses côtés...
V : -
C'est une rumeur de projet.
P : -
Quelle est la nature de votre relation avec SS ?
V: -
On s'éloigne de la peinture.
P : -
Je crois qu'on a ouvert un chemin plus personnel.
V : -
C'est mon amie.
P : -
C'est pour ça que vous avez des disputes légendaires,
comme sur le tournage de “Devil” ?
V : -
Ca fait partie de l'amitié, ça va, ça vient.
P : -
Comme vous.
V : -
Pardon ?
P : -
Vous allez, vous venez, vous voyagez beaucoup : hier vous étiez
à Rome, demain vous serez à Londres.
V : -
Je ne vois pas trop l'intérêt de cette remarque. Mais
oui, je voyage beaucoup, j'ai des amis à voir. J'aime voyager,
changer d'endroit... Vous voulez connaître le véritable
charme des voyages ? C'est le retour.
Vous
vous rapprochez de chez vous, vous comptez les jours, les heures.
Vous vous dites : “Plus que deux jours, plus qu'un jour,
quelques heures, ça y est, je suis dans ma ville, encore
quelques rues, plus qu'une, quelques maisons. Là, chez moi,
enfin.” Au fur et à mesure que vous vous rapprochez,
vous imaginez ce que vous allez faire : un bon bain chaud, de la
musique, un cigare, un verre de vin... Puis ça y est, vous êtes
chez vous. Vous entrez, vous poussez du pieds le tas de courrier en
retard, vous laissez tomber vos bagages, vous enlevez vos bottes.
Vous allez dans la salle de bains ouvrir les robinets de la
baignoire, vous versez toutes sortes de produits pour faire de la
mousse, vous préparez minutieusement l'indispensable : le
cigare, le cendrier, la bouteille, la musique, le verre ... Alors
seulement, quand tout est là, vous vous déshabillez,
vous enlevez ces vêtements dégueulasses et vous vous
glissez dans l'eau chaude. Après, une fois détendue,
bien mollement, vous sortez, vous vous enveloppez dans un peignoir
très, très doux. Vous recouvrez votre corps d'une crème
hydratante qui fait tant de bien à votre peau. Puis vous vous
occupez de vos ongles, de vos mains, de vos dents, de vos cheveux.
Quand vous avez fini, vous vous dites qu'il vous manque encore une
chose et votre petit ami sonne à la porte. Et là, vous
êtes vraiment content d'être chez vous.
P : -
Waou !! Chouette programme ! Ca se passe toujours comme ça
pour vous ?
V : -
Non. Moi, c'est plutôt : je suis crevée, j'enlève
mes godasses, et le téléphone sonne. C'est un ami qui a
des ennuis et je dois remettre mes godasses pour aller l'aider.
P : -
C'est pas de chance. Vous voyagez comment ?
V : -
Je voyage comme je peux : pour traverser l'Atlantique, je prends
l'avion plutôt que le bateau. Sinon, je suppose que c'est là que vous
voulez en venir, je conduis une moto. J'ai un diplôme
de mécanique moto. Enfin, ce soir, je prends le train.
P : -
Vous allez où ?
V : -
Quelque part.
P : -
Vous n'aimez pas beaucoup parler de vous.
V : -
Non. Il y a des sujets beaucoup plus intéressants.
P : -
Comme le cinéma.
V : -
Par exemple.
P : -
Vous n'avez jamais rêvé d'être actrice ?
V : -
Non, être moi-même me suffit.
Le
présentateur lève la main.
-
D'accord, j'ai compris, j'arrête. Une dernière question
avant la fin, s'il vous plait.
V : -
Allez-y.
P : -
Vous reviendrez nous voir ?
V : -
Oui, promis.
Générique
de fin.