Interview papier Vic peinture 2
- Bonjour, Vic.
- Bonjour.
- C'est étrange, d'habitude
avec les peintres, les entrevues reviennen à intervalles très
longs : quatre à cinq ans. Alors que nous nous sommes
rencontrés l'an dernier déjà, pour votre exposition « Portraits ».
- Je ne vis pas à la même
vitesse, j'ai beaucoup moins de temps devant moi que les autres. De
plus, je ne suis plus aussi patiente, je ne cherche plus trop à
approfondir certaines voies, je reste à la surface.
- Pour un peintre, cela semble
logique.
- Ouais.
- Le fait d'avoir choisi de faire du
cinéma annonce-t-il un renouvellement de votre mode
d'expression artistique ?
- Non. Cela annonce une envie de me
marrer avec des amis. Cela dit, je crois que la composition musicale
correspondrait mieux à ce qu'implique votre question. Parce
que je suppose que vous voulez savoir, en posant cette question, si
j'ai décidé de changer de support artistique ?
- En fait, je voulais savoir si le
cinéma était l'expression d'une évolution dans
votre travail, à savoir que vous retournerez à la
peinture avec une autre vision ou si ce film est un changement
radical de votre vision artistique.
- Soyons clair, j'ai fait du cinéma
par amitié et c'est tout. Je pense que si j'avais envisagé
le cinéma en tant qu'artiste, j'aurais pris la place de
metteur en scène mais franchement, ça n'aurait pas
marché. Je travaille en solitaire et un film est une oeuvre
collective, qui nécessite un travail d'équipe.
Ingérable, inenvisageable pour moi.
- Vous vous êtes aussi essayée
à la décoration d'intérieur.
- Oui, par amitié toujours.
Une ami emménageait et elle voulait changer tout l'intérieur
de sa nouvelle maison.
- J'ai vu des photographies dans la
revue « Sweet Home ». L'assemblage des
couleurs, les jeux de perspectives, la progression des marches qui
suit la succession des plans, vous avez reproduit votre univers
pictural dans cette maison.
- Ouais. J'aime bien cette pièce.
J'ai l'impression, quand j'y entre, de pénétrer dans
un de mes tableaux.
- Et pour en revenir à la
musique, vous avez dit que c'était le signe d'un changement,
vous pouvez préciser ?
- La musique,... Ce n'est pas
un changement radical, je ne vais pas à partir de maintenant,
me consacrer uniquement à la musique. C'est juste une
tentative, un essai vers quelque chose de différent. Je
continue à peindre. Remarquez que le cinéma et la
peinture sont proches : ce sont des arts visuels. Et je crois
comprendre comment vous est venue cette question. Aprés avoir
tâté de l'immobilisme avec la peinture, il serait
logique que je cherche du côté du mouvement avec le
cinéma.
- En effet, c'est le raisonnement
que j'ai suivi.
- Le mouvement ne m'intéresse
pas artistiquement. Pour moi, l'art c'est fixer un moment, un être
pour l'éternité. Je ne conçois pas l'art comme
une mécanique vivante. Et puis, je ne sais pas raconter des
histoires. J'ai essayé la musique parce que cela touche un
autre sens. Vous l'avez remarqué vous-même dans un de
vos articles : je suis sensible, à l'écoute de mes
sens. Donc avec la musique, je fais appel à l'ouïe. Je
dis toujours que la peinture doit être comme un exercice
physique, que je peints avec tout mon corps. Dans la musique, le
corps a sa place mais plus dans l'appréciation de l'oeuvre,
aprés sa conception, quand on goûte l'oeuvre plus que
quand on la construit, ou qu'on la joue. Alors que pour la peinture,
le corps ne sert à rien, une fois l'oeuvre finie. C'est là
le principal changement en ce qui concerne mon travail.
- Pourquoi avoir choisi ce genre de
musique, le rock dur, alors que vous êtes restée
classique dans la conception de vos tableaux ?
- Parce que je suis jeune ! Non,
tout simplement parce que le rock est tout ce que je suis capable de
produire. Je ne me vois pas composer un opéra ou un
concerto. Le format convient à mon niveau musical : c'est
court et simple.
- Que signifie alors l'écriture
des paroles en plus de la composition musicale ? Un autre essai vers
un autre domaine, la littérature ?
- Ohlala, non, pas du tout. Mes
chansons ne sont pas de la littérature, ni même de la
poésie. J'ai essayé de traduire avec des mots ce que
je ressentais en accord avec la musique. Mais je ne suis pas sûre
d'y être arrivée, tout me semble creux, cliché
dans mes chansons. Les mots m'ont toujours semblé un
intermédiaire de trop entre l'oeuvre et moi, entre l'oeuvre
et le public.
- En tout cas, vous expliquez très
bien avec des mots, vos intentions artistiques.
- C'est parce que je suis dans un de
mes bons jours. J'aurais pu vous renvoyer sur les roses, pour rester
poli. Et puis, bon, j'ai un peu triché, je vous l'avoue. Je
lis toujours les critiques de mes tableaux, je reprends ce qui me
plait et je m'entraine à démolir ce qui me déplait.
Ca me permet de prévoir mes réponses.
- Vous voulez dire que vous avez lu
tout ce que j'ai écrit sur vous et votre oeuvre ?
- Pas seulement. Je comprends mieux
votre point de vue comme ça. Et vos points faibles aussi.
- Vraiment ?
- Vous utilisez de grands mots avec
de grandes théories mais heureusement pour vous, vous en
connaissez le sens.
- Trop aimable.
- Ce sont vos qualités et je
crois que vous n'allez pas aimer ce que je veux dire à propos
de vos défauts. Heureusement, votre cassette est finie. Je
n'aurais pas à vous déplaire.
- Oui, je pense que nous allons nous
quitter là. Merci d'avoir répondu à mes
questions.
- De rien.